Le courriel

Tout comme l'automobile et le téléphone en leur temps, les outils numériques ont transformé les pratiques sociales. Même si, dans un premier temps, les outils numériques se sont attachés à imiter le fonctionnement d'outils qui préexistaient dans le monde matériel, la possibilité de copie de l'information à l'identique et à coût marginal nul a posé des questions juridiques et d'usage nouvelles.

Tel est le cas du « courriel » (mot-valise formé par contraction des mots « courrier » et « électronique »). Ce service est un excellent exemple des différents types de communication entre individus, à travers ses nombreux cas d'usage : certains créatifs, d'autres parfois drôles (ou pas), et d'autres tout-à-fait illégaux !

Le courriel : des possibilités techniques étendues

Le courriel est le plus ancien service offert par l'Internet. À l'époque de sa création, on ne pouvait envoyer que du texte brut, sans aucune fioriture : juste des caractères de machine à écrire, sans choix de forme ni de couleur.

Alors que, lorsqu'on écrit un courrier à la main, on ne peut l'envoyer qu'à un unique correspondant, la possibilité de copier instantanément les données numériques permet l'envoi du même courriel à des destinataires multiples. La copie numérique accélère et facilite le débat et les échanges d'idées : alors qu'il est fastidieux de recopier un morceau d'une lettre écrite pour y répondre, tout fragment de texte numérisé peut être immédiatement repris et cité.

Par conception, envoyer des courriels sur Internet consiste à transférer un contenu numérique à un ou plusieurs destinataires. Il était donc simple d'étendre ce mécanisme pour permettre l'envoi de tout type de fichier numérique, inclus dans le courriel en tant que « pièce jointe » : images, sons, vidéos, logiciels, etc. Tout ce qui est numérisé peut être échangé.

Le courriel : usages et Netiquette

La Netiquette (contraction de « network etiquette », ce dernier mot pris dans son sens historique de « règles de savoir-vivre ») est la façon de bien se comporter sur les réseaux numériques. Comme le courriel est le premier service de communication créé sur Internet, la Netiquette du courriel est très ancienne et bien établie. Ce sont des règles d'usage adoptées collectivement, au niveau mondial, par plus de deux milliards de personnes.

Les règles de la Netiquette du courriel sont simples et de bon sens. Elles transposent dans le monde numérique de nombreux usages préexistants de la correspondance papier. Il a cependant fallu les adapter à un support originellement « pauvre », car constitué de simples caractères de machine à écrire.

Ainsi, lorsqu'on écrit un courriel, on écrit de préférence en texte brut. Les « fioritures », telles qu'images de fond d'écran, ou les fontes, couleurs et tailles multiples, sont en effet nuisibles à la communication : ces éléments rendent pénibles la lecture (contraste réduit pour les malvoyants avec certaines couleurs), l'impression (consommation d'encre plus élevée) et la réponse (restes du formatage initial parfois difficiles à faire disparaître dans la réponse).

On écrit toujours en minuscules. En effet, l'écriture de mots ou de phrases en majuscules équivaut à CRIER dans une conversation. Lorsqu'on souhaite insister sur une partie de phrase, l'usage est de la placer entre astérisques (par exemple, *comme ceci*), afin de la mettre en valeur. Cet usage a été pris en compte par les auteurs de logiciels de messagerie : lorsque l'écran le permet, la plupart des logiciels affichent en gras les portions de texte comprises entre des astérisques.

Le courriel : communiquer des émotions

L'un des principaux problèmes de la communication par courriel est le filtrage qu'elle induit : alors que, sur une lettre papier, il est possible de souligner, de mettre des cœurs à la place des points sur les « i » et des petits dessins dans la marge, voire de parfumer la lettre, et qu'au téléphone on peut donner des intonations à sa voix, comment conserver toute cette richesse d'informations alors qu'on ne dispose que de simples caractères de machine à écrire ?

Pour résoudre ce problème, et signaler la présence d'intonations et de second degré dans les messages, plusieurs techniques ont été imaginées par les premiers utilisateurs des messageries. À cette époque, ceux-ci étaient souvent des chercheurs et ingénieurs, désireux de trouver des solutions utiles aux problèmes qu'ils rencontraient, dans tous les domaines !

La première méthode est celle des « smileys », plus tard rebaptisés « emoticônes » (car on ne rit pas toujours). L'idée est de coder, avec deux ou trois caractères, l'image d'un visage qui exprime une certaine émotion. Il suffit, pour les lire, de pencher la tête vers la gauche : :-) ;-) :-/ :-* 8^) 9^) >:-( B^( :-P :-O XD etc.

Ici encore, les auteurs de logiciels de messagerie ont rapidement intégré cet usage dans le code de leurs logiciels. Ainsi, quand on tape les trois caractères « :-) » dans la fenêtre d'envoi de message de nombreux logiciels, ces caractères sont souvent remplacés automatiquement à l'affichage sous la forme de la tête ronde qui sourit. L'usage des émoticônes revient à introduire des « idéogrammes », c'est-à-dire des glyphes qui représentent des idées, dans les écritures alphabétiques ou syllabiques.

La deuxième méthode pour transmettre des émotions a été de les coder sous forme d'abréviations, telles que « LOL », pour « lots of laughter », devenu « MDR », pour « mort de rire », en français, etc.

Une troisième méthode, issue de la communauté des informaticiens, a été d'accompagner le texte du message de « balises » de contexte, qui reprennent le formalisme « < ... > » du langage HTML utilisé pour coder les pages web. Le texte des balises exprime alors l'intonation mise : <ironie> Bla-bla-bla </ironie>, etc. Ici, le texte est libre.

Le courriel : comment répondre

La politesse commande de ne pas noyer ses correspondants sous un flot de texte inutile : « trop d'information tue l'information », dit l'adage.

Lorsqu'on répond à un courriel, il faut donc prendre le soin de supprimer le plus possible de matière du courriel initial, afin de limiter la taille cumulée des messages. Afin de ne pas dénaturer l'esprit des messages, on signale l'endroit des portions enlevées par un « [...] ».

On répond à une portion de texte en dessous de celui-ci, et non au dessus. Sinon, cela peut vite devenir illisible et le lecteur risque de ne pas comprendre à quoi on répondait.

Surtout, on réduit la réponse aux seules personnes concernées. La fonction « Répondre à tous les destinataires » ne doit être utilisée que si c'est absolument nécessaire ! Le cas le plus courant de « pollution » par des réponses intempestives est celui des listes de diffusion, dans lesquelles les réponses indignées de certaines personnes sont envoyées à tous, et non au seul émetteur du message. C'est une technique très prisée par les « trolleurs » qui veulent attirer l'attention sur leur personne. Heureusement, il est possible de filtrer ses messages, pour ne plus recevoir les messages des personnes qui ne nous intéressent pas !

Complément

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter les ressources complémentaires ci-dessous :

- "Smiley Lore :-)", par Scott E. Fahlman, Carnegie Mellon University

- "Original Bboard Thread in which :-) was proposed", par Scott E. Fahlman, Carnegie Mellon University