Les révolutions de la connaissance
Les révolutions de la connaissance et leurs conséquences
La révolution numérique fait suite à deux autres révolutions majeures dans le domaine de la connaissance.
La première est la révolution de l'écriture. Elle a permis aux humains de fixer de l'information durablement sur un support mobile (tablettes d'argile, papyrus, papier, etc.). En servant de support à la création de l'administration publique, elle a permis la création des premières cités-États puis des premiers grands empires.
La seconde est la révolution de l'imprimerie. Avant elle, les livres devaient être copiés à la main. La connaissance circulait donc peu et était rare. Grâce à la mécanisation de la copie de l'information, le coût de l'accès à la connaissance a été fortement réduit, ce qui a facilité la diffusion d'idées nouvelles, parfois contraires à l'ordre établi. L'imprimerie a été déterminante pour les réformes religieuses en Occident, puis l'avènement du Siècle des Lumières, de la révolution industrielle, puis encore des révolutions républicaines et du Printemps des peuples, quand la lecture deviendra courante au sein de la classe ouvrière. Les systèmes mécaniques de copie de l'information (l'imprimerie, puis la radio et la télévision) sont de nature pyramidale, puisqu'un seul émetteur envoie la même information à de nombreux récepteurs et destinataires passifs. Les grands médias ont participé à la construction des États-Nations modernes, dont ils ont contribué à normaliser la langue et les pratiques culturelles.
La révolution industrielle est l'une des conséquences de la révolution de l'imprimerie. Elle permet de passer de l'outil, mû par la force animale, à la machine, mue par des énergies non animales, majoritairement fossiles (charbon, puis pétrole). La machine est à la fois le moteur et l'objet de la révolution industrielle : les premières machines construites ont servi à produire de nouvelles machines, dans un processus de réaction en chaîne, qui fait que nous utilisons des machines pour réaliser la plupart de nos tâches physiques : nous déplacer, laver notre linge, etc.
La révolution numérique, pour sa part, est issue de l'extraction de l'information de son support physique. L'action de "numériser" consiste à transformer en nombres (en « tas de 0 et de 1 », pourrait-on dire) l'information extraite du monde physique. On numérise ainsi des images, des vidéos, des sons, des textes, pour les coder sous forme de nombre sur des supports informatiques. Les supports physiques de l'information sont toujours nécessaires, mais ne sont pas uniques : l'information peut être copiée de support en support, sans limitation.
Les moteurs de la révolution numérique
La révolution numérique a été rendue possible grâce à deux innovations majeures : le logiciel et l'Internet.
Le logiciel est le premier outil mécanisé qui soit une extension de l'esprit humain et non de son corps. Il joue, pour la révolution numérique, le même rôle que la machine a joué pour la révolution industrielle : il en est le moteur et l'objet. Combiné à la capacité d'échanges d'informations offerte par l'Internet, il a conduit à une révolution dans la façon de produire et traiter la connaissance. Il s'agit en fait du même effet de réaction en chaîne : les premiers logiciels ont servi à échanger plus rapidement les connaissances, ce qui a conduit à la production de plus de logiciels, et ainsi de suite. De nos jours, nous déléguons à des logiciels de plus en plus de nos tâches intellectuelles.
Les conséquences de la révolution numérique
Les outils numériques « dé-pyramidalisent » et « ré-horizontalisent » les échanges d'informations. En effet, ils permettent à chacun d'échanger avec tous. Cette capacité d'échange quasi-illimitée bouleverse les modèles économiques de la production et de la diffusion des savoirs et des œuvres numériques. Elle facilite notamment la création collective de biens communs informationnels, tels qu'encyclopédies en ligne (la Wikipedia), logiciels libres, etc.
Au-delà du secteur numérique proprement dit, la révolution numérique induit également des transformations majeures dans l'ensemble des secteurs d'activité. C'est le cas avec les plateformes de mise en relation, ou « agrégateurs », qui, autour de leur marque souvent mondiale, captent la valeur d'un secteur d'activité entier (chauffeurs particuliers, hôtellerie, locations de logements, livraison de repas à domicile, etc.).
Sur le plan sociétal et juridique, de nombreuses questions se posent : sur la gouvernance de l'Internet, les questions de l'identité numérique et de l'anonymat en ligne, de la protection des données à caractère personnel et du « droit à l'oubli », etc. Le droit se construit petit à petit, et très souvent en retard par rapport à l'évolution des pratiques.