Du « solutionnisme technologique » à la « gouvernance algorithmique »

L'effet de mode qui entoure l'usage nouveau des outils numériques dans de nombreuses activités peut inciter les personnes à utiliser ces outils, même si ceux-ci n'apportent pas de bénéfice réel ou induisent des risques importants pour la préservation de la vie privée des personnes.

Cette promotion excessive des outils numériques est l'une des modalités du « solutionnisme technologique », un mode de pensée conduisant à considérer le fonctionnement de la société comme un ensemble de problèmes techniques à résoudre. Or, les champs technique et sociétal sont de nature profondément différente, et la solution d'un problème sociétal ne peut donc être exclusivement de nature technique. Cette idéalisation de la technique a rendu commercialement possibles des projets techno-politiques tels que les logiciels de « justice prédictive » (en fait, une traduction inexacte du terme « justice prévisible ») ou de « police prédictive », projets scientistes qui ont connu des débuts de mise en œuvre très médiatisés avant que l'inefficacité de ces systèmes ne soit démontrée en pratique.

La tentation de confier de plus en plus de processus décisionnaires à des systèmes informatisés peut conduire à l'établissement d'une « gouvernance algorithmique », caractérisée par le renoncement des volontés humaines à aller à l'encontre des résultats des calculs informatisés. En effet, prendre une décision divergente coûte plus d'énergie, en termes de processus cognitifs, que de se conformer à l'avis général. La généralisation des mécanismes informatisés de prise de décision est donc susceptible de conduire à l'épuisement de l'énergie des humains qui doivent justifier une décision divergente, face à des machines qui ne s'épuisent jamais.